SURDITES
ET ACOUPHENES
"
Attention à vos oreilles"
Par le Docteur Jacques Grosbois et Michèle
Le Pellec, auteurs du livre: Surdités, acouphènes
et troubles de l'audition.
1.
Le déficit auditif concerne tous les âges
Il concerne actuellement 6% des 15-20 ans, 9% des jeunes adultes
dans la tranche des 20-34 ans et 18 % dans celle des 35-44
ans. Mais 2/3 des personnes de plus de 65 ans souffrent de
presbyacousie. Mais les caractéristiques de prévalence
de la génération passée sont en train
de se décaler vers les jeunes générations,
la génération baladeur/boites de nuit. Déjà,
en France, 30 000 à 50 000 adolescents et jeunes présentent
des altérations graves du système auditif. Seulement
un quart des malentendants emploient une aide auditive. Aujourd'hui
encore, l'image de l'aide auditive est associée à
la vieillesse ce qui incite peu les malentendants à
afficher leur handicap. A contrario, les enfants, sourds profonds
franchissent facilement cette barrière, l'aide auditive
leur ouvrant la communication au monde.
2.
L'audition est notre principal moyen de communication
La surdité a une incidence très importante sur
la psychologie du mal-entendant entraînant une véritable
pathologie de la communication. Ainsi, on constate très
vite, chez les personnes âgées qui deviennent
malentendantes, une tendance au repliement sur soi, à
l'isolement, entraînant un véritable désintérêt
de la vie relationnelle. Pour les plus jeunes, ce sont les
difficultés professionnelles qui constituent le principal
handicap.
L'oreille étant aussi un sens d'alerte,
le déficit peut contribuer à rendre l’individu
inquiet car vulnérable. Cette défaillance impose
une attention soutenue à l’environnement.
3.
Les causes du déficit auditif sont multiples.
Elles peuvent être présentes à la naissance
ou acquises au cours de la vie (maladies, traumatismes, sources
sonores puissantes). Mais le vieillissement de l'oreille,
souvent inéluctable, dégrade progressivement
la qualité de la perception.
4.
L'évaluation et la mesure de la baisse auditive.
L'oreille est un organe sensoriel très complexe et
l'origine du déficit peut se situer à différents
niveaux. C'est pourquoi une mesure précise, effectuée
par un opérateur qualifié, est un préalable
qui permet de faire une évaluation correcte de la perte.
Cela conditionne les possibilités de traitement, de
réhabilitation ou de correction.
L'arsenal des outils d'investigations progresse
avec l'exploration des oto-émissions acoustiques, en
particulier pour le diagnostic des surdités profondes
dès la naissance. Les potentiels évoqués
permettent de préciser le niveau du déficit
chez l'enfant ou de vérifier le fonctionnement du nerf
auditif.
L'examen principal reste l'audiométrie
subjective qui permet d'évaluer la perte auditive en
faisant écouter des sons au patient sur différentes
fréquences. L'audiométrie vocale, qui vérifie
la reconnaissance des mots, permet quant à elle l'évaluation
de la compréhension du message. Ce test est particulièrement
important chez les personnes (en général âgées)
présentant une presbyacousie. Des déformations
du signal sonore initial entraînent des confusions entre
des mots voisins (bouchon/cochon, souper/toupet, bouda/gouda
etc..)
L'audiométrie se traduit par l'établissement
d'un document, souvent normalisé, où les courbes
retranscrivent l'ensemble des caractéristiques de l'audition
de la personne. A partir de cet audiogramme, le professionnel
pourra évaluer les possibilités de traitement
ou de correction du déficit. Cet examen est donc capital
dans la stratégie de la correction de la perte auditive.
Une erreur d'interprétation de ce bilan peut avoir
des conséquences dramatiques par un choix de traitement
inadapté.

Audiogramme
5.
Les principales causes des pertes auditives
Les surdités de naissance constituent une catégorie
spécifique qui nécessite des prises en charge
lourdes après un dépistage précoce. Le
vieillissement de l'oreille aboutissant à ce qu'on
appelle la presbyacousie est un phénomène inéluctable
dont on pourra seulement atténuer la gène par
une aide auditive adaptée.
Entre ces deux pôles, on retrouve toutes
les maladies de l'oreille moyenne (tympans, osselets) avec
en particulier les fréquentes otites de l'enfant qui
peuvent aboutir à des surdités invalidantes,
mais réversibles avec un traitement adapté.
Dans certains cas, des complications peuvent entraîner
des atteintes persistantes. Ainsi, l'otite séreuse,
fréquente chez l'enfant, nécessite la pose d'un
aérateur trans-tympanique (Yo-yo, tube) pendant plusieurs
mois. Chez l'adulte, on pourra retrouver des séquelles
importantes d'infections chroniques avec destruction plus
ou moins importante de l'oreille moyenne entraînant
une surdité.

Aérateur trans-tympanique en place
( yo-yo)
La vie moderne est un grand pourvoyeur de
surdités par les traumatismes sonores auxquels elle
nous expose dans nos vies professionnelles ( bruits d'usines,
fréquences de résonance des machines tournantes),
personnelles (baladeurs, discothèques, bricolage) ou
en cas d'évènements ponctuels (explosions, bruits
stridents). Les fractures du crane (accidents de voiture ou
de sports à risque) peuvent également entraîner
des surdités définitives.
6.
Les traitements
La découverte d'un déficit auditif conduira
le médecin à envisager un traitement adapté.
Les maladies de l'oreille moyenne, en particulier les otites,
feront appel à des traitements médicaux. Pour
certaines pathologies, la chirurgie sera nécessaire
et pourra apporter une amélioration conséquente
du déficit, voire ramener une audition tout à
fait normale.
Dans le cas d’une atteinte de l'oreille
interne (nerf) ; on ne pourra que proposer des systèmes
électroniques de compensation : aides auditives pour
la presbyacousie, implants cochléaires pour les surdités
profondes.

Implant cochléaire
7.
Les acouphènes
On classe les acouphènes en deux catégories:
- les acouphènes objectifs qui sont des perceptions
auditives anormales d'un bruit réel, interne au
corps
- les acouphènes subjectifs qui sont des sensations
auditives perçues en l'absence de toute stimulation
sonore.
Statistiquement , 95% des acouphènes
sont subjectifs.
La majorité des acouphènes
objectifs a une origine vasculaire. Ils sont souvent pulsatiles
: Ce sont des bruits réels liés au passage du
sang dans les vaisseaux. Ils suivent le rythme cardiaque,
en même temps que le pouls. Ce bruit a une tonalité
de souffle régulier. Il est souvent majoré par
l'augmentation de l'activité physique ou certaines
positions de la tête. Les acouphènes objectifs
sont parfois détectables au stéthoscope par
le médecin et peuvent être traités dans
certains cas.
En ce qui concerne les acouphènes
subjectifs, l’origine la plus fréquente est la
cochlée ou oreille interne. Mais elle peut se situer
à n’importe quel niveau des voies auditives,
depuis la cochlée jusqu’au cerveau. Ceux-ci sont
en général décrits comme des sifflements
aigus, un sifflet, un grillon ou un bruit de cigales. Ils
sont souvent permanents et variables en intensité selon
l'état psychologique.
Le stress, l'anxiété, la fatigue,
l'énervement ou encore des bruits environnants importants
augmentent souvent l'intensité des acouphènes.
Au contraire, une situation plus calme, détendue, non
stressante, atténuera l'acouphène. De même,
une activité cérébrale agréable
et prenante diminuera considérablement leur perception.
Les acouphènes subjectifs liés
à l'atteinte de l'oreille interne représentent
80% des acouphènes pour lesquels les patients consultent.
Ces acouphènes sont très souvent de tonalités
aiguës à type de sifflement continu. La fréquence
la plus souvent présente est le 4000 Hz. Cependant
la tonalité peut être différente, des
graves aux aigus. On peut également observer des acouphènes
multi-fréquenciels à type de souffle. La caractéristique
de ces acouphènes de l'oreille interne est qu'ils sont
en général permanents. Dans certains cas d'affections
aiguës, ceux-ci peuvent cependant être transitoires.
La perception permanente de ce bruit anormal, ressentie, soit
comme un bruit venant de l'extérieur, soit comme un
bruit interne (sifflement dans la tête), est souvent
mal acceptée. Le patient cherche désespérément
le moyen d'arrêter ce bruit parasite qui l'obsède
jour et nuit.
Différentes lésions ou dysfonctionnements
de l'oreille interne peuvent être responsables des acouphènes.
Malgré tout, il existe quasiment toujours un déficit
auditif de perception associé. Il s'agit principalement
de baisses de perception sur les fréquences aiguës.
Ainsi, on peut considérer dans une certaine mesure
que l'acouphène existe du fait de la baisse auditive.
8.
Les traitements des acouphènes
La grande difficulté du traitement des acouphènes
est que les patients considèrent leur trouble comme
purement organique, relevant de traitements médicamenteux
ou chirurgicaux. Le patient acouphéniques veut être
débarrassé de ce bruit intempestif qui l'ennuie
continuellement, et considère de façon très
négative l’idée d’avoir à
supporter ce bruit parasite toute sa vie.
Les possibilités de traitement des
acouphènes subjectifs sont complexes du fait de la
nature même des acouphènes. Si l'acouphène
a son origine dans des insuffisances ou perturbations circulatoires
au niveau du labyrinthe et en particulier de la cochlée,
les médicaments vaso-régulateurs pourront être
efficaces, en particulier pour les acouphènes récents.
Dans certaines cas, certains tranquillisants peuvent avoir
un effet bénéfique sur la perception de l'acouphène.
Ces traitements permettent de rompre le cercle vicieux qui
s'installe : acouphènes -> angoisse-> insomnie->
fatigue -> acouphènes.
Compte tenu de la contribution majeure des
fonctions cognitives supérieures à la perception
de l'acouphène, les traitements qui favorisent la mise
en place des mécanismes cérébraux d'habituation
sont de plus en plus proposés.
En thérapie des acouphènes,
"habituation" ne signifie pas que l'on s'habitue,
au sens de "s’accommoder de", ou "s’habituer
à", voire "se résoudre à".
L’habituation est un phénomène naturel
qui implique des réseaux de neurones et permet de modifier
les réponses apprises aux stimulations sensorielles
et les émotions qu’ils induisent grâce
à l’apprentissage.
Les pratiques expérimentales de psychologie
qui amènent progressivement le cerveau à ces
habituations relèvent d’une discipline plus générale
appelée Thérapie Cognitive Comportementale (T.C.C.).
Cette discipline se fixe comme objectifs
:
• La modification directe des comportements et des pensées;
• La modification des conditions de déclenchement;
• La modification des comportements;
Par ailleurs, les phénomènes
d'habituation peuvent être mis en place par un stimulus
extérieur. les traitements basés sur les masqueurs
d'acouphènes utilisent cette voie d'action.
La T.C.C. a également pour but d’amener le patient
à objectiver son acouphène et la gêne
qu’il occasionne par rapport au reste de sa vie, dans
d’autres registres de l’existence.
Dans une T.C.C, le sujet est véritablement
acteur dans l'élaboration des stratégies alternatives
qu'il met en place avec le praticien. Le questionnement de
celui-ci permet d'amener le patient à prendre conscience
de son acouphène et des comportements que cela induit
chez lui, à l’évaluer objectivement par
rapport à d’autres gênes, à définir
les caractéristiques d’un mieux être et
à élaborer des procédures d'adaptation
voire de substitution pour atteindre l’objectif fixé.
D'une part, cette contribution volontaire et engagée
du patient est un aspect important pour la réussite
de la thérapie, d'autre part, son bénéfice
premier est que le patient sort d'une relation subie avec
son acouphène.
L’objectif final est donc que le patient
puisse gérer sa perception et en minimiser les conséquences,
voire l'éliminer dans la majeure partie des circonstances.
Cette modification de la cognition peut prendre plusieurs
mois.
Force est de constater cependant que les
personnes âgées, qui constituent près
d'un tiers des patients, auront beaucoup de mal à s'astreindre
au suivi nécessaire, voire aux séances de groupe
que la thérapie préconise. Par ailleurs, ces
traitements long et coûteux ne sont pas toujours reconnus.
De ce fait, ils ne sont pas assez pris en charge par les organismes
sociaux.
9.
Les aides auditives
L'explosion de techniques électroniques et de traitement
du signal bouleverse le paysage classique de l'aide auditive,
dominée par l'image du Sonotone, amplificateur analogique
basique de nos grands-pères. Les audioprothésistes
d'aujourd'hui doivent mettre en œuvre des aides d'une
extraordinaire complexité, qui nécessitent l'utilisation
d'un ordinateur de programmation et de réglage.
Patients, médecins, audioprothésistes, personnes
au contact des malades sont loin d'avoir mesuré tout
l'intérêt que ces techniques peuvent avoir pour
permettre une meilleure audition. Et la course permanente
entre les majors pour implanter de nouveaux algorithmes issus
directement de la recherche universitaire, repoussent les
limites des aides auditives et rendent le suivi encore plus
délicat.

Les aides auditives
Mais à l'évidence, la nouvelle
frontière de l’aide auditive se situe au niveau
des centres nerveux auditifs, dans la façon dont les
différentes parties du cerveau concourent à
la reconnaissance des différents messages sonores transmis
par la cochlée. L'audition est un sens qui naît
de l'apprentissage et nécessite un entretien permanent.
Les prothèses cochléaires implantées
chez des jeunes enfants démontrent que cet apprentissage
peut se faire même lorsque les signaux transmis au cerveau
sont très différents du signal naturel. C'est
le cerveau qui se structure pour élaborer une reconnaissance
adaptée.
L'amélioration des connaissances en
neurologie - par exemple dans le domaine de la reconnaissance
des phonèmes - permettra d'adapter le traitement du
signal aux capacités restantes de l'oreille en prenant
en compte, voire en stimulant la capacité d'adaptation
du cerveau. Elle permettra ainsi de compenser de nouveaux
déficits auditifs, en particulier les recrutements
importants. Mais la qualité d’écoute sera
encore loin du son parfait de l’écoute musicale
d’une oreille intacte.
10.
La prise en charge et la prévention
Dans l'ensemble des pays industrialisés, des organisations
d'aide et d'assistance aux malentendants sont organisées,
en particulier pour l'intégration des jeunes sourds
dans le monde du travail, et la prise en charge des soins.
Le langage des signes, qui divise souvent les associations,
reste toujours controversé. Il isole de ceux qui ne
le pratiquent mais permet de mettre en relation ceux qui le
pratiquent.
La prise de conscience du caractère
irréversible des dégradations de l'audition
et des conséquences de celles ci, tant en termes de
coûts sociaux ou médicaux, qu’en termes
de limitations professionnelles qu'elles impliquent, imposent
la mise en place d'une politique de prévention et de
protection des individus. Elle impose aussi la mise en place
d’une législation sur le bruit assortie d'un
arsenal de sanctions, tant pour les individus que pour les
entreprises. Dans tous les pays, ces lois sur le bruit se
mettent progressivement en place, accompagnées d'un
arsenal de mesures.

Dr.
Jacques Grosbois
|

Michèle
Le Pellec
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LIVRE
 |
"Surdités,
acouphènes et troubles de l'audition" Dr.
Jacques Grosbois - Michèle Le Pellec -
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